Tuesday, May 15, 2018

Pharmacie Clinique et Therapeutique

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Edition : 4
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Vous avez entre les mains la quatrième édition de l’ouvrage Pharmacie clinique et thérapeutique réalisé sous l’égide de l’As- sociation Nationale des Enseignants de Pharmacie Clinique
que j’ai maintenant l’honneur de présider.

Je veux, d’ores et déjà, rendre hommage à mes prédeces-
seurs (J. Calop, J. Chopineau, M.C. Woronoff) et aux coor-donnateurs des éditions précédentes (le regretté François Gimenez, J. Calop, S. Limat, C. Fernandez) qui ont eu l’idée puis la volonté de poursuivre l’édition de ce livre qui fait maintenant référence.

C’est l’occasion de se retourner sur l’évolution de la phar- macie clinique en France et dans les pays francophones puisque nous avons voulu, pour cette quatrième édition, ouvrir largement des chapitres à nos collègues et amis des pays francophones.

Il y a maintenant 33 ans que cette discipline a commencé à apparaître en France à l’occasion du 8 e  symposium européen de pharmacie clinique, que j’avais eu l’honneur d’organiser à
Lyon en 1979. Cette manifestation avait reçu une reconnais- sance offi cielle du ministre de la Santé de l’époque, Jacques Barrot, qui était présent à ce congrès et qui nous a toujours
apporté son soutien. Au cours de ce symposium, nous avons créé la Société Européenne de Pharmacie Clinique (bientôt suivie par la Société Française de Pharmacie Clinique créée par le très
regretté J.P. Cano) avec quelques collègues, dont les très regrettés, Epo Van Der Klejne, Joachim Bonal. Tous les pays européens participent maintenant à ces travaux en Europe et plusieurs milliers de collègues y sont impliqués témoignant de l’importance de la discipline et du rôle visionnaire de ces fondateurs.
À cette occasion, nous avons apporté une défi nition de la pharmacie clinique et établit des objectifs professionnels et éducationnels pour le pharmacien clinicien qui reste valable 30 ans après. Le mot clinique est là pour nous rappeler que le malade est l’α et l’ω de nos activités, nous ne devons jamais
perdre de vue qu’il y a l’homme, qu’il y a la personne. En cela, la pharmacie clinique rejoint la tradition humaniste euro- péenne la plus forte de la santé. Elle s’attache à considérer les
malades comme des entités différentes les unes des autres et cherche à les faire bénéfi cier d’une médication personnalisée. La pharmacie clinique Elle fait appel à une pléiade de spécialités et regroupent les principes généraux, les résultats et les conclusions relevant des différentes disciplines (pharmacodynamie, pharmaco- cinétique, thérapeutique, biotechniques…) ayant trait aux
médicaments et aux dispositifs médicaux. Il s’agit bien d’une démarche synthétique à visée concrète.
Grâce à elle, les missions du pharmacien ont évolué : de « gardiens de poisons » ayant une activité centrée vers les pré- parations et la délivrance des médicaments spécialisés, il est
devenu un praticien de santé dont les compétences au- delà de la dispensation des produits de santé l’impliquent totalement comme :
– gardien des consensus thérapeutiques ;
– gestionnaire du risque sanitaire ;
– spécialiste de la maitrise médicalisée des dépenses en
matière de produits de santé ;
– acteur de l’éducation thérapeutique.
Cette évolution exige un rapprochement entre le pharma-
cien, les prescripteurs et les patients pour une approche per-
sonnalisée, effi ciente, économique et sûre des thérapeutiques,
que ces thérapeutiques soient des médicaments, des dispo-
sitifs médicaux implantables (souvent si proches des précé-
dents) ou non ou d’autres produits de santé. Cet exercice,
conformément à l’étymologie (χλινωδ veut dire le lit en grec)
ne peut se conduire qu’autour de celui- ci, dans les services,
auprès des patients. Il correspond à l’exercice intellectuel
que doivent avoir les médecins et les pharmaciens autour du
patient. Elle met en exergue les caractéristiques intellectuelles
de l’acte pharmaceutique et de l’acte médical qui l’a précédé.
Elle fait bien la différence avec les activités plus techniques
et plus répétitives du soin. N’oublions pas que l’origine du
terme « care » utilisé en anglais vient du latin caritas (la cha-
rité). Nous devons savoir protéger et développer le terme de
clinique afi n d’être dans le prolongement de l’acte médical et
ne pas nous voir ramener à un seul acte technique (voire com-
mercial) comme l’ont malheureusement montré certains pays
(et non des moindres) où le peu d’attractivité du « soin phar-
maceutique » éloigne les pharmaciens de l’hôpital. Le législa-
teur français, dans sa grande sagesse, a su accoler au terme de
pharmacie clinique celui de pharmacocinétique indissociable
mais aussi ceux de pharmacothérapie et biotechnique mon-
trant par là l’importance de la prise en charge thérapeutique
par des produits de santé.
De la galaxie Gutenberg à Mac Luhan
L’évolution de notre discipline doit savoir prendre en compte
les évolutions « électroniques » de la société moderne, déran-
geantes mais irremplaçables, qui nous apportent beaucoup en
matière d’aide à la décision, de sécurisation de notre exercice
mais aussi d’échanges entre les différents lieux d’exercice,
notamment ville- hôpital. En effet, nous venons de quitter la
galaxie Gutenberg comme le pronostiquait dès 1967 le génial
Marshall MacLuhan et nous venons de rentrer dans ce qu’il
appelait la galaxie Marconi. Nous sommes passés du papier
à l’informatisation et à la robotisation, ce qui nous permet
sans diffi culté le transfert de prescription, de dossier médical,
d’historique médicamenteux, d’avis et de conseil pharma-
ceutique, de traçabilité d’administration entre les différents
acteurs du circuit du médicament qu’ils soient en ville, dans
leur cabinet médical, leur offi cine, ou à l’hôpital.
L’informatisation a un caractère structurant qui permet
non seulement de transférer l’information (base de données
type Thériaque) mais également, grâce à la protocolisation,
d’appliquer les règles de l’Evidence Based Medicine, de sécu-
riser les prescriptions. La robotisation, quant à elle, sécu-
rise les différentes étapes du circuit de l’objet médicament,
dispensation conforme à la prescription et permet une
administration sécurisée et tracée. Elles sont structurantes,
nécessitent une discipline et un apprentissage fort mais leur
refus est le refus de voir progresser la qualité des soins que
nous dispensons. Fuyons le monde des « hamish ».
La pharmacie clinique doit être là pour mettre les bonnes
pratiques aux centres des systèmes d’information.
Recherche et sociétés savantes
Les sociétés savantes que nous avons su créer, dynamiser,
arrivent maintenant à maturité. Pour perdurer et assumer
leurs fonctions sociales, elles ne doivent oublier ni leurs
origines, ni leur fi nalité. Elles doivent être constituées de
« savants », c’est- à- dire s’appuyer sur des praticiens qui ont
dans la recherche des compétences, des titres et travaux éva-
lués et reconnus par leurs Paires dans des instances de type
universitaire et non pas des gourous autoproclamés qui n’ont
retenu de l’aphorisme, « savoir faire, faire, faire savoir » que
le troisième élément. Je voudrais à cette occasion rendre
hommage au travail opiniâtre pas toujours facile que réalise
M.C. Saux à la tête de la SFPC.
Elles doivent stimuler la recherche, socle sur lequel repose
toute discipline scientifi que et par lequel elles montrent leur
dynamisme. Cette recherche doit être basée sur des publica-
tions de haut niveau dans des thématiques faisant progres-
ser les bases scientifi ques de la thérapeutique. L’explosion
de l’utilisation en thérapeutique de dispositifs médicaux de
plus en plus innovants doit permettre d’étendre nos champs
de recherche pour valider in vitro ou sur l’animal leur perfor-
mance mais surtout pour évaluer l’intérêt clinique et médico-
économique de ces produits, dont le niveau d’évaluation est
trop souvent insuffi sant voire inexistant.
Enseignement
En tant que Président de l’Association Nationale des Ensei-
gnants de Pharmacie Clinique Français, je n’oublie pas
qu’une discipline ne peut exister que si elle est enseignée
à l’université, ce qui fut le cas de la nôtre dès 1988 grâce
à R. Leverge. Dans notre cas, compte tenu de son aspect
pratique et de son lien très étroit avec les patients, comme
je l’ai rappelé, cet enseignement est forcément hospitalo-
universitaire et les quelques pays comme la France qui ont
su le comprendre ne doivent pas rester isolés au sein d’une
union européenne souvent technocratique et plus attachée
aux marchés qu’à la sécurité des patients. Cet enseigne-
ment basé aussi bien sur l’expérience pratique que sur la
recherche doit constituer une des fi nalités de l’enseignement
de la pharmacie dans la formation commune de base mais se
prolonger dans le troisième cycle.
Cet enseignement doit se conforter par les stages d’ap-
plication. En la matière, la création de la cinquième année
hospitalo- universitaire en 1984 par le groupe animé par notre
collègue Francis Puisieux est exemplaire non seulement en
Europe mais dans le reste du monde. Elle permet en effet à
nos étudiants de prendre contact avec les réalités de terrain
qui seront les leurs :
– la démarche clinique et le mode de raisonnement médical ;
– l’ensemble des aspects de la prescription aussi bien scienti-
fi que (Evidence Based Medicine) que médico- économique ;
– les patients avec leur perception du monde de la santé, de
leur prise en charge thérapeutique.
Validation de prescription, suivi et optimisation thérapeu-
tique, observance, personnalisation des traitements, éducation
thérapeutique sont des éléments irremplaçables dans la for-
mation de tous pharmaciens, quel que soit son futur exercice.
Même si la qualité de ces stages peut progresser (c’est un élé-
ment inhérent à toute discipline de santé), ils ont apporté à
nos étudiants des éléments irremplaçables en matière de savoir
faire et de compétence dans leur futur exercice que celui- ci soit
offi cinal, hospitalier, biologique ou industriel. Il ne faudrait pas
que cet acquis, envié par l’ensemble des autres pays, soit remis
en question pour des intérêts corporatistes ou économiques.
Spécialisation
Nous devons savoir poursuivre ces avancées tout en étant
capables d’admettre, aussi bien à l’hôpital qu’à l’université,
que la qualité de notre exercice nécessite des spécialisations
fortes et que nous ne pourrons être reconnus par les patients
et par les médecins que si ces spécialisations sont une réalité
et non, comme ça l’est avec l’unicité européenne du diplôme,
« tout le monde peut être polyvalent ».
Cette spécialisation commence par la reconnaissance euro-
péenne de la spécialisation en pharmacie hospitalière qui est
attendue depuis déjà 25 ans (et la directive 85- 432 qui don-
nait cinq ans pour sa mise en place) et devra se poursuivre
dans des domaines thérapeutiques spécifi ques et à l’offi cine
qui nécessite de plus en plus une qualifi cation particulière
et, compte tenu de ces évolutions récentes (stimulés par la
loi HPST et la loi de sécurité sanitaire des médicaments du
29 décembre 2011), probablement une spécialisation. Nos
enseignements, que ce soit dans le cadre du LMD ou d’en-
seignement plus spécialisé (DES, DU, …), en sont un témoi-
gnage et une éventuelle préfi guration.
Ne pas reconnaître ces principes, de compétences recon-
nues par les Paires, d’enseignement hospitalo- universitaire et
de spécialisations, peut ouvrir la porte à des déviances graves,
dangereuses en matière de sécurité des patients qui amène,
comme on risque de le voir en France :
– des individus sans compétence à proposer de soi- disants
systèmes de sécurisation du circuit du médicament plus
dangereux qu’effi cace ;
– des praticiens sans aucune compétence sur le médicament
à pratiquer le dosage de ceux- ci - sous prétexte d’une soi-
disant compétence sur le milieu ! - et augmenter par là les
risques d’effets indésirables chez des patients fragiles traités
par des médicaments à marge thérapeutique étroite.
Intégration au CHU, pharmacie clinique,
système de santé
Nos politiques qui, dès 1979, avaient bien compris tout l’in-
térêt de l’exercice pharmaceutique ont su avec nos adminis-
trateurs tirer, dans l’intérêt de la santé publique, les éléments
forts de notre démarche pour améliorer la sécurité des théra-
peutiques tout en assurant une maîtrise économique médica-
lisée de celle- ci.
Au fi l des années, les contrats de bon usage hospitaliers
(CBU) ont rendu incontournable, à l’hôpital, l’informatisa-
tion du circuit du médicament, l’Evidence Based Medicine et
les référentiels de bon usage, s’appliquant aussi bien aux déci-
sions collectives dans les Réunions de Concertation Pluridisci-
plinaire (RCP) qu’à la prescription, à la dispensation et à l’ad-
ministration des thérapeutiques. Plus récemment, ils se sont
recentrés autour du patient en mettant en exergue la « sécu-
risation de la prise en charge médicamenteuse du patient », la
lutte contre l’iatrogénie et les erreurs médicamenteuses (qui,
ne l’oublions pas, entraînent 3 à 4 fois de plus d’incidents que
les infections nosocomiales). À l’offi cine, la récente conven-
tion signée avec l’Assurance Maladie a reconnu l’apport du
pharmacien dans la gestion des thérapeutiques complexes
(anticoagulants, asthme, …) dans l’éducation thérapeutique et
dans le suivi des pathologies chroniques. Ces progrès considé-
rables, nous les devons aussi à l’intégration de la pharmacie au
CHU (à laquelle j’ai largement contribué avec notre collègue
J.G. Gobert), seul endroit où se retrouvent les malades, les pra-
ticiens de toutes disciplines, la recherche et l’enseignement.
Cette intégration a marqué un tournant attendu depuis plus
de cinquante ans et progressera et s’enracinera autour des dis-
ciplines cliniques (pharmacie et biologie) qui contribuent à
l’amélioration des prises en charge thérapeutiques.
Une quatrième édition du livre de pharmacie clinique
Le succès enregistré par les trois précédentes éditions montre
bien que nos problèmatiques thérapeutiques sont partagées
bien sûr par l’ensemble des pharmaciens mais aussi par de
nombreux médecins ou autres praticiens de santé. La diffu-
sion toujours plus importante dans les pays francophones
nous a amené à demander à de nombreux collègues (pro-
bablement pas encore assez nombreux) originaires des
pays francophones d’Afrique, d’Amérique du Nord, d’Asie
Moyen- Orientale, de rédiger quelques chapitres. Ils mon-
trent l’intérêt et l’importance de notre discipline dans tous
ces pays et nous ne pouvons que nous en réjouir. Le nombre
de plus en plus important de thèses d’université de pharma-
cie clinique, soutenues en collaboration entre nos univer-
sités et des universités d’autres pays francophones sur des
thématiques spécifi ques à ces pays, prouve que la pharmacie
clinique est bien une discipline très ubiquitaire à même de
faire progresser la prise en charge thérapeutique des malades
dans de nombreux pays d’organisation sanitaire et de reve-
nus très variables.
N ous avons pris le parti dans cette nouvelle édition d’enrichir
le livre de nombreux chapitres concernant soit des pathologies
émergentes, soit des pathologies pour lesquelles les prises en
charge ont considérablement progressé. Face à cette augmenta-
tion, nous avons décidé de partager le livre en deux volumes en
réservant un volume spécifi que à la cancérologie compte tenu
des progrès considérables réalisés (notamment grâce au Plan
Cancer) mais aussi de la prise en charge ambulatoire de plus en
plus fréquente. Celui- ci paraîtra d’ici quelques mois.
Nous avons eu d’autre part recours à de nombreux jeunes
collaborateurs encadrés par les enseignants de pharmacie
clinique pour la rédaction de ces chapitres avec souvent des
relecteurs cliniciens. C’est ainsi que près de 140 auteurs ont
participé à ce livre dont une vingtaine de cliniciens, une cin-
quantaine de jeunes collègues encadrés et coordonnés par les
52 enseignants de pharmacie clinique PU- PH ou MCU- PH,
membres de l’ANEPC. Je tiens à les remercier tous très vive-
ment ainsi que les professeurs J. Calop, C. Fernandez et
S. Limat qui ont consacré un temps considérable à l’encadre-
ment des auteurs, aux relectures et aux relances pas toujours
simples des retardataires. Nous espérons que ces nombreux
chapitres seront un témoignage de la crédibilité scientifi que
de notre discipline, des avancées thérapeutiques et contribue-
ront à faire progresser le concept de « médecine basée sur
les preuves ». Ils devraient être d’une utilité forte pour tous
nos confrères pour assurer leur développement professionnel
continu (DPC) et pour nos étudiants.

Link Download :https://drive.gsss8XSozmLrRVvNF9FZkZycUwzWEk

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